La Désintermédiation Bancaire : Quand l’Histoire Rime avec stablecoins

Dans le monde de la finance, certaines histoires ont le don de traverser les décennies sans perdre de leur pertinence. L’une d’elles se joue dans les années 1970-1980 aux États-Unis, et elle pourrait bien nous éclairer sur les défis actuels des banques face aux fonds monétaires.

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Le Contexte : Une inflation galopante et des banques bridées

À la fin des années 70, l’inflation américaine flirtait avec les 15 %. Les taux d’intérêt grimpaient rapidement sur les marchés financiers, mais les banques, elles, restaient limitées par la Règlementation Q, qui plafonnait les intérêts qu’elles pouvaient verser sur les comptes d’épargne et les dépôts à terme.

Pour les épargnants, c’était frustrant : l’argent placé à la banque ne rapportait presque rien, alors que le marché offrait des rendements bien plus attractifs.


L’émergence d’une alternative : les fonds monétaires

Face à cette situation, une innovation financière est apparue : les Money Market Funds.

  • Ils n’étaient pas soumis aux plafonds de la Règlementation Q.
  • Ils offraient des rendements bien plus élevés que les comptes bancaires.
  • Ils étaient perçus comme sûrs et liquides, presque comme un compte bancaire classique.

Le succès fut immédiat : des particuliers aux grandes entreprises, tous ont commencé à transférer massivement leurs dépôts vers ces fonds. Entre 1978 et 1982, les banques ont vu des centaines de milliards de dollars quitter leurs coffres.


La grande désintermédiation

Cette migration massive a créé une crise de liquidité pour les banques. Privées de leurs ressources stables et peu coûteuses, elles se sont retrouvées dans une situation critique. L’histoire a retenu ce phénomène sous le nom de désintermédiation bancaire : quand les épargnants contournent les banques pour placer leur argent ailleurs.

Pour réagir, le gouvernement américain a adopté deux lois majeures au début des années 1980 :

  1. Depository Institutions Deregulation and Monetary Control Act (1980) : suppression progressive des plafonds de taux d’intérêt.
  2. Garn–St. Germain Depository Institutions Act (1982) : création de comptes d’épargne monétaires permettant aux banques de concurrencer directement les fonds monétaires.

Ces mesures ont permis de restaurer l’attractivité des dépôts bancaires et de stabiliser le système.


Et aujourd’hui ? Une histoire qui pourrait se répéter

Plus de quarante ans plus tard, le scénario se rappelle à nous. Avec la remontée rapide des taux directeurs par les banques centrales pour lutter contre l’inflation, les fonds monétaires redeviennent attractifs par rapport aux dépôts bancaires traditionnels, qui rémunèrent très peu l’épargne.

Les banques font face à un dilemme similaire : si elles ne trouvent pas de moyens pour offrir des rendements compétitifs ou des produits alternatifs, elles risquent de perdre une partie de leurs ressources stables, fragilisant ainsi leur modèle économique.


Leçons à retenir

  1. L’innovation naît souvent des contraintes : quand les banques sont bridées, le marché trouve des solutions alternatives.
  2. La régulation doit évoluer avec le marché : les plafonds artificiels peuvent provoquer des déséquilibres majeurs.
  3. La vigilance est clé : comprendre l’histoire permet de mieux anticiper les risques financiers d’aujourd’hui.

L’histoire de la désintermédiation bancaire nous montre que les marchés ont une mémoire. Et que parfois, ce qui semblait appartenir au passé peut très vite se transformer en signal d’alerte pour le présent.



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